Amel raconte l’histoire de « Petite Émilie »

Petite Emilie

 

Il y a de cela plusieurs années, ma fille et moi partagions tout. Ma petite fille, qui avait dans ce temps six ans et demi, s’appelait Emilie, ce joli prénom que j’ai piqué à ma sœur. Elle était très gentille, je lui ai donné une bonne éducation. Elle était si belle avec des yeux bleu vert qui ensorcellent ! Tous les gens étaient charmés. Oui, n’oublions pas son beau-père, mon cher et tendre époux, qui l’aimait comme si c’était sa propre fille. Nous étions très fusionnelles, je ne pouvais vivre sans elle et elle ne pouvait vivre sans moi.

 

Puis deux ans ont passé, et rien n’a changé dans ma relation avec ma fille et mon mari ; nous avons seulement vécu un gros déménagement. J’étais heureuse de quitter cette campagne isolée. Maintenant nous vivons dans une très belle ville, d’autant plus que j’ai été mutée dans cette ville en tant que professeur de musique. Ma fille avait grandi, elle avait huit ans désormais. Elle était à l’école « Les poussins de France », très bel établissement, et Emilie s’est fait beaucoup d’amis, Paul, Lola, Natalia et Amalia, tous dans sa classe, très gentils et polis. J’étais joyeuse car ma fille s’est adaptée à cette nouvelle vie qui commençait, toujours contente et ravie. Tout allait pour le mieux pour ma petite fille et nous.

 

Ma petite fille grandit trop vite ! Deux ans ont passé sans que je ne m’en rende compte mais ma fille est toujours heureuse. On peut dire qu’elle était comblée. Je peux dire que l’école lui plaisait beaucoup, elle se sentait à l’aise d’autant plus qu’elle travaillait très bien. Ma petite Emilie était ma fierté. Mais Emilie, avec le temps, devenait gourmande ;cela ne me dérangeait pas. Un petit peu rondelette, de très bonnes joues : elle était magnifique, plus belle que jamais. Tout allait bien Malgré quelques critiques (Emilie passe bien au-dessus) : elle disait que devant les profs des camarades l’appelaient « bouffe tout », mais je lui disais que ce n’étaient que des enfants après tout.

 

Ma petite Emilie, que dis-je ma grande Emilie, avait changé : douze ans maintenant, elle était devenue une adolescente. Mais à mon grand désespoir, elle s’était renfermée : finie la belle petite ravie, joyeuse et souriante, elle était devenue triste et terne. Un jour, son ami Paul me dit que les élèves se moquaient d’elle. Mais je ne m’inquiétais pas, je lui disais que ce n’étaient que des petites moqueries : j’étais loin de m’imaginer ce qu’il se passait vraiment.

 

C’est plus tard que j’appris qu’elle était le souffre-douleur de la classe. Je jetais un petit coup d’œil sur son ordinateur et je tombais sur une page où on voyait une photo de ma petite Emilie avec son ventre qui dépasse, plein de commentaires où ils l’appelaient « la dégueulasse ». Mais je décidais de me taire et de ne pas affoler son beau-père. J’avais cependant décidé de la questionner quand elle rentrerait de cours. Quand j’ai tenté d’en savoir plus, pas un son ni une parole ne sortirent de sa bouche. Je ne savais plus quoi faire, alors je décidais de ne pas la brusquer et d´attendre qu’elle parle d’elle-même : je me mis encore un voile sur les yeux.

 

Mais un soir de décembre, ma petite Emilie rentra sans habits. Comme toujours, elle ne me donnait aucune explication. C’est bien plus tard que j’ai appris que ses camarades lui avaient pris ses vêtements et qu’ils l’avaient enfermée dans le vestiaire pour la doucher.

Un beau matin, j’allais réveiller ma princesse mais il n’y avait personne dans le lit. Personne, sauf une lettre : là, une grosse angoisse me prit le cou. Je décidais quand même de l’ouvrir. Voilà ce qui était écrit :

« Chère maman,

Je t’écris cette lettre pour te dire toutes les choses que je t’ai cachées.

A l’école, tous mes camarades me harcelaient/harcèlent. Pas un seul moment de répit. Ne m’en veux pas si je ne te l’ai pas dit, c’était trop dur pour moi.

J’ai pris une décision : rejoindre un endroit où je serai en paix. Je te laisse des objets de moi pour que tu ne m’oublies pas, je ne t’oublierai jamais.

Adieu.

Signé Emilie. »

 

J’étais en larmes, je me demandais ce que tout cela voulait dire. Je la cherchais partout dans la maison. Et là, j’ai eu l’idée de descendre à la cave : je vis ma petite fille par terre ; je compris tout de suite ce qui s’était passé et je criai : « Pourquoi ? Pourquoi ? Tout mais pas ça ! » Plus de pouls, plus de souffle, rien. Ce beau matin était devenu le pire de ma vie entière.